Le p'tit blanc sans col
Free your mind and your (gl)ass will follow...
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La mère, qui avait la peau toute blanche s’appelait Gouais. Ce n’était pas une femme facile d’accès. Certains d’ailleurs disaient qu’elle était astringente… Elle avait un accent bizarre : un accent du Sud que les Tourangeaux avaient du mal à comprendre. Le père, lui était « noir », très mat de peau et brun de cheveux. Il s’appelait Pinot et était beaucoup plus facile à vivre qu’elle. Les gens disaient de lui qu’il était léger et fruité… Par contre, les Tourangeaux ne le comprenaient pas très bien non plus : lui venait de l’Est ! Ils avaient un fils unique, dont personne ne connaissait le prénom. Tout le monde l’appelait « le gamin ».
Ils s’installèrent à proximité du domaine de Pintray, dans une pauvre masure, et le fils unique qui s’ennuyait entre ses parents, prit l’habitude de venir jouer avec les enfants de Pintray. Un jour, ils partirent dans la forêt et revinrent les poches pleines de mûres et de fraises des bois. Mais, comme si cela ne suffisait pas, le gamin, le fils Pinot-Gouais, qui était espiègle et gourmand, s’arrêta dans des jardins. Pendant que les enfants de Pintray rentraient à la maison,il chaparda groseilles, framboises et cerises pour ses parents, et même des pivoines pour sa mère ! Arrivé au domaine de Pintray, il s’arrêta dans le chai, attiré par une odeur d’une cuve … tellement attiré qu’il bascula dans la cuve et dans le vin rouge avec toutes ses provisions.
Tous les habitants du voisinage le cherchèrent. Le père Pinot est même allé signaler sa disparition à la gendarmerie d’Amboise. La mère Gouais, elle, allait de maison en maison en demandant à chaque fois : « Vous n’avez pas vu mon gamin ? », mais avec son accent du Sud, les tourangeaux entendaient : « Vous n’avez pas vu mon gamay ? ».
Le gamin marina une semaine dans la cuve de vin rouge. C’est le propriétaire de Pintray qui le repêcha avec une épuisette, un jour où il avait entendu qu’on pataugeait dans sa cuve. On sortit le gamin, tout rouge, si bien qu’à partir de ce jour on ne l’appela plus que « le petit gamay rouge ». Tout ce qu’il avait ramené des bois et des jardins s’était répandu dans la cuve de vin.
Et quelques mois plus tard, quand on goûta à ce vin, les yeux s’écarquillèrent : un vrai délice ! Il avait un parfum de pivoine et de fruits rouges. Le père Pinot, fier de son fils et de sa trouvaille bien involontaire, pensa aussitôt à son vieux père, là-bas vers l’Est et souhaita qu’il puisse savourer ce nectar avant sa mort. Aussitôt que le petit gamay eut 15 ans, il remplit donc plusieurs flacons de ce délicieux breuvage, et envoya son fiston toujours tout rouge de son séjour dans la cuve : « Va voir comme se porte ton père-grand, car on m’a dit qu’il était malade. Porte-lui ces flacons de bon vin, cela lui fera du bien ! » C’est ainsi que le petit gamay, partit vers l’Est.
En chemin, il rencontra un drôle d’homme, un brigand tout poilu qui lui demanda où il allait. Quand le gamay lui eut répondu, il lui demanda encore quel chemin il prenait : celui du Nord ou celui du Sud ? Sans rien comprendre et pour se débarrasser de lui, le petit gamay répondit : « Le Sud ». « D’accord, dit le brigand, je passe par le Nord et nous verrons lequel de nous deux arrivera le premier ! » En chemin, le jeune homme traîna, musarda, vagabonda entre Sologne et Morvan, et arriva enfin dans le village de son grand-père, entre Santenay et Meursault, entre Chassagne et Puligny. Après lui avoir demandé des nouvelles de sa santé, il l’interrogea pour savoir si on n’avait pas vu arriver récemment un brigand tout poilu… Le grand-père Pinot éclata de rire et emmena son petit-fils au fond de son jardin, là où la terre avait été fraîchement retournée… Et devant la dernière demeure du brigand, le grand-père expliqua qu’il avait bien vu arriver ce drôle de bonhomme, qu’il avait tout de suite senti le danger et qu’il avait gentiment offert le verre de bienvenue, puis le verre de la convivialité, puis celui de l’amitié… Et au bout de trois bouteilles de bon vin, le brigand s’était écroulé, raide mort !
Ce soir-là, le grand-père dégusta le breuvage apporté par son petit-fils et au fil de la conversation le vieux s’étonna et dit :
- Mon garçon, que tu es rouge !
- C’est que je suis tombé dedans quand j’étais petit, grand-père.
- Et comme ce vin sent bon !
- Ce sont les pivoines du jardin, grand-père.
- Mais il y a autre chose …
- Les fruits rouges des bois, grand-père.
- C’est bon !
- Oui, grand-père
- Et comment on t’appelle ?
- Moi, le petit gamay rouge, grand-père.
Le grand-père sourit et s’endormit définitivement.
Le petit gamay rouge s’installa dans le village qui aujourd’hui encore porte son nom, puis il s’en alla finir ses jours plus au Sud, au nord de Lyon, dans le Beaujolais.
Aujourd’hui encore, en Bourgogne, quand on raconte cette histoire, on ne se souvient plus que du nom de famille du grand-père : Pinot (mais si, celui qui était tout noir !).
Dans le Beaujolais, par contre, on ne parle plus que du Gamay.
Mais ici, au Château de Pintray, lorsque l'on raconte l'histoire, on sait bien que toute cela est arrivé grâce au "Petit Gamay Rouge" et qu'il ne faut pas chercher les origines du Gamay en Bourgogne, ni dans le Beaujolais, mais bien en Touraine, là où un enfant est tombé dedans quand il était petit".
Voilà, vous savez enfin pourquoi les vins issus du Gamay ont ce goût si particulier ! Rien à voir avec une hypothétique macération carbonique...
En l'honneur de cette histoire, Jean-Christophe RAULT, jeune vigneron qui a repris le domaine familiale en 2009, a décidé de baptiser sa cuvée de ce noble cépage "le Petit Gamay Rouge" (AOC Touraine). Une vraie corbeille de fruits rouges et noirs, un vin croquant et poivré à déguster sur une viande rouge braisée ou encore une géline de Touraine !
En exclusivité, le reportage choc qui fît éclater la vérité au grand jour :
Imprimer | Commenter | Articlé publié par Eric Leblanc le 01 Nov. 11 |