Le mois dernier, les membres de l'Association Oenologie et Culture ont eu l'excellente idée d'inviter Tristan Sicard de la Crèmerie (et bar à fromages) Delassic, créée dans le Vieux-Lille par Tristan et son frère jumeau en 2011. J'intervenais ce soir-là "en renfort" en apportant, si besoin, des précisions sur les appellations, domaines et cuvées.
 

Pour tout amateur de fromages, c'est devenu une adresse incontournable sur la métropole lilloise. Et cerise sur la gâteau, hormis que les deux frangins soient éminemment sympathiques et passionnés (et aussi expatriés tourangeaux, comme votre serviteur), ils ont développé une gamme de vins qui tient sacrément la route, sur les conseils avisés d'un confère caviste de Tours (l'excellent Ô lieu dit Vin).

Voyez plutôt : aux côtés des tommes, fromages de chèvres et autres pâtes persillées, l'amateur de vin a la possibilité de se régaler avec les flacons de Faugères de Binet-Jacquet, les Vouvray de François Pinon, les Coteaux du Languedoc de Sylvain Fadat, les Gaillacs de Bernard Plageoles, les Sancerres des Fouassier ou encore les Jasnières d'Eric Nicolas, pour n'en citer que quelques-uns !

C'est donc à partir de leur gamme de vins et de fromages que s'est construite cette séance.

NB : les commentaires de dégustation pour les fromages qui suivent sont de la plume de Tristan.
 
Crédit photo : lescachotteriesdelille.com

Tristan a débuté par une brève et nécessaire remise à niveau, en rappellant les caractéristiques des différentes familles de fromage :
  • les fromages de chèvre (famille à part entière, bien qu'ils puissent être produit en tomme, pâtes persillés...)
  • les fromages à croûte fleurie (camembert, brie...)
  • les fromages à croûte lavée (maroilles, livarot...)
  • les tommes / pâtes pressées non cuites (la + grande famille)
  • les pâtes pressées cuites (gruyère, comté...)
  • les pâtes persillées (roquefort, fourme d'ambert...)
  • les pâtes filées (ex : mozzarella)

Sans oublier les célèbres fromages fondus. Rien à voir avec la raclette, chers lecteurs, il s'agit des fromages industriels comme la world famous Vache qui rit...

Puis de rappeler à l'auditoire déjà affamé l'importance et le plaisir de convoquer tous ses sens, pas uniquement le goût, pour déguster des fromages, à l'instar d'une dégustation de vin.

Cette introduction passée, on a débuté avec un fromage (au lait pasteurisé) de chèvre de Provence, à la texture fondante d'un blanc immaculé et aux arômes de thym et de citron, j'ai nommé le Rove des Garrigues. "Un fromage estival !" selon Tristan.
 

Avec celui-ci, Tristan nous a servis un Vouvray sec 2011 de François Pinon. Ce domaine fait indéniablement partie des belles références diu Vouvrillon. Il est situé dans la Vallée de Cousse à Vernou-sur-Brenne et compte 13 hectares cultivées en agriculture biologique.
 

Un vin racé, minéral avec une belle tension. Appétant et salivant. Notes d'agrumes et florales (tilleul). Inutile de préciser que ça matchait sévère avec le fromage !
 

L'accord fromage-vin était tout aussi réussi avec ce Clacbitou bourguignon, autre fromage de chèvre, mais cette fois au lait cru et affiné, de fabrication fermière (c'est-à-dire que transformation du lait et la fabrication du fromage ont lieu dans la même exploitation agricole. NB : l'affinage peut être réalisé par un affineur ou au sein de l'exploitation). Ce clacbitou offre des arômes de foin, de paille avec une longueur caprine marquée par la fraîcheur. Encore un joli mariage avec le Vouvray !
 

Pour bien montrer la diversité des fromages de chèvre, Tristan nous servît ensuite ce Petit Fiancé des Pyrénnées produit en Ariège (lait cru de chèvre, fabrication fermière), qui ressemble beaucoup au Reblochon. A l'oeil, la pâte est souple et homogène. Des arômes caprins et de terroir caressent le nez. En bouche, une saveur de terroir teintée de notes caprines embaume l'ensemble du palais.
 

Et pour accompagner celui-ci, on se régala avec la version en blanc des Cocalières du Domaine d'Aupilhac ! Depuis ses vignes de Montpeyroux, Sylvain Fadat fait aujourd'hui partie des grands noms du Languedoc. Le terroir des Cocalières, récemment replanté et cultivés en bio, est situé en altitude et orienté au nord.
 

Les notes de miel et d'amande ressortent nettement dans ce savant cocktail d'arômes. L'assemblage équilibré de roussanne, marsanne, grenache blanc et vermentino donne à ce vin un gras, une longueur et une superbe complexité aromatique. Très joli vin, un des meilleurs que j'ai goûté sur cette appellation, qui présente un sérieux potentiel de garde.


Sur ce même vin, on enchaîna avec un Etivazde la famille des pâte pressée cuite. Surnommé le "Roi des Préalpes Vaudoises", ce fromage au lait cru de vache fût le premier produit alimentaire suisse, autre que le vin, a obtenir une AOC en 1999. Ce fromage présente une attaque en bouche légèrement fumée, puis vient une longueur marquée par le beurre d'où se dégage des notes floral et herbacées très intenses. Autant dire qu'avec le caractère légèrement oxydatif du vin, du fait de son encépagement, c'était divin.
 

On passe aux rouges, en s'en allant découvrir la Tomme des Grands Causses dans l'Aveyron, de la famille des pâte pressée non cuite donc, au lait cru de brebis (fabrication fermière). L'affinage prolongé apporte à cette tomme des notes délicatement noisetées sur la longueur et une finale légèrement salée sans être trop agressive.
 

Pour accompagner ce fromage et le suivant, Tristan avait choisi ce Sancerre rouge du Domaine Fouassier (l'une des plus vieilles familles de vignerons sancerrois, convertie à la biodynamie au début des années 2000), l'étourneau 2010, qui présentait des signes évidents d'évolution, tant au niveau de la couleur tirant vers l'orange, que des arômes marqués par le kirsch, le cuir, la ronce, la myrtille avec des notes fumées. Bon vin, mais sur le déclin, avec une finale courte. Ce n'est pas forcément le vin que j'aurais associé de prime abord avec le fromage, mais force est de constater que cela fonctionnait très bien.
 

Tout comme il se marriait très bien avec ce Bleu de Gex, pâte persillée au lait cru de vache, provenant de Franche-Comté. "Hostile à l'oeil mais délicat au palais !" nous prévint Tristan. De la finesse, en veux-tu en voilà, avec ces notes crémeuses en entrée de bouche et la fraîcheur marquée par la noisette en finale. 
 


A l'annonce du vin suivant, j'avoue que j'ai eu un peu peur : une Côte-Rôtie 2011, du Domaine Faury, situé à Chavannay dans le Parc Naturel du Pilat. Peur non pas de la qualité du vin (je suis un grand fan de syrah et de Côte-Rôtie, en particulier), mais parce que je craignais que le vin ne présente une structure tannique trop astringente, du fait de sa jeunesse.
 

Mes ami(e)s, que nenni ! Cette cuvée Reviniscence est une véritable gourmandise : nez de cassis, de violette, de zan et de fruits rouges. Pointe graphite. Tanins soyeux. Bref, un vin qui fait glou !
 

Et qui fait miam avec ce Brie de Melun, de la famille des pâte molle à croûte fleurie, au lait cru de vache. Moins connu que son cousin francilien de Meaux, son caractère tertiaire est un délice : odeurs agréables de champignons et humus, qui se retrouvent au palais. En bouche, c'est crémeux et enrobant. Une légère pointe saline vient clôre le débat autour de ce grand fromage !
 

On finit la bouteille de Côte-Rôtie avec cette Tomme de Rilhac (Limousin), au lait pasteurisé de vache, qui présente une légère acidité en entrée de bouche, qui est suivie d'un crémeux étonnant pour ce type de pâte. Des notes épicées allant sur le cumin sont présentes tant dans la chair que sur la croûte.
 
 
On passe à présent la frontière chez nos voisins belges avec ce Herve, pâte molle à croûte lavée, au lait cru de vache, qui n'est plus produit aujourd'hui que par 2 producteurs, et qui est actuellement menacé de disparition par excès "d'hygiénisme". Je vous invite à prendre connaissance de cette affaire sur le blog Vins Libres ICI et ICI (et à signer la pétition pour la sauvegarde de ce morceau de patrimoine belge !).

Bien moins fort que son cousin, le Maroilles, il cache, derrière sa texture fondante voire crémeuse, un coeur crayeux qui donne en bouche une fraîcheur bienvenue, qui rompt avec la trame gourmande de sa crème. 
 

Tristan a judicieusement choisi de l'accorder avec un Côtes de Montravel 2013 du Château du Bloy. Cette AOC, crée en 1937, se situe à l'ouest de vignoble de Bergerac, limitrophe avec le Bordelais, sur des terrasses calcaires qui bordent la Dordogne. Contrairement à l'AOC Montravel qui produit des vins secs, l'AOC Côtes de Montravel est appellation de vins moelleux (tandis que les vins produits en AOC Haut-Montravel sont liquoreux). En termes d'encépagement, on est sur les mêmes variétés que dans le Sauternais, à savoir sémillon, muscadelle, sauvignons blanc et gris. Viennent s'ajouter chenin et ondenc en cépages accessoires (max 10%).

Peu alcoolique et juste moelleux, son acidité lui procure de la fraîcheur et de la buvabilité. Ce qui lui permet de s'accorder également très bien le dernier fromage de la soirée, j'ai nommé la Fourme de Montbrison, produite dans le département de la Loire, à partir de lait cru de vache. En bouche, elle présente un étonnant et délicat goût boisé. Le persillé est fondu dans la crème de vache, ce qui en fait un des bleus les plus doux. 
 

Cerise sur le gâteau, j'avais ramené un trésor de la cave paternelle, un Château Caillou, 2nd GCC de Sauternes, fort bien conservé malgré ses... 40 ans !
 

Moka, truffe, fraîcheur insolente et équilibre, autant de mots qui caractérisent ce grand Barsac ! ('y a pas à dire, les vieux Sauternes, quand c'est réussi, c'est grand)
 

Encore une belle et gourmande soirée passée à l'Association Oenologie et Culture !...
Je vous le dis, il y a des jours où c'est plus difficile de cracher que d'autres...
 

Merci et bravo à Tristan Sicard pour la qualité de sa sélection, tant pour les fromages que les vins !
 
 
 Delassic Frères
11 place des Patiniers
59000 LILLE
03 28 52 32 88
 

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