Vendredi du Vin #78 : Peau(x) Version imprimable


"Haut les mains, peau de lapin !"

Là, dormant paisiblement, c'est toi. C'est le 2ème jour de ta vie et tu te remets de ton premier grand voyage. T'as assuré grave, comme disent les d'jeuns en l'an 2015 de notre ère. Bon, j'avoue, tu nous as un peu fait peur avec ton petit coeur qui jouait au yo-yo (c'est un jouet qui n'existe plus, je t'expliquerai)... Et même qu'il a fallu que les médecins te donnent un p'tit coup de pouce pour la dernière ligne droite. Enfin un coup de pouce en forme de spatules, qui ont laissé une trace sur ta joue droite... T'inquiètes pas, t'étais quand même la plus belle du Monde et la marque a vite disparu. Au bout de quelques jours, tu présentais déjà à la foule en délire ton joli minois aux traits fins...
 
Hasard du calendrier, tu es née un vendredi. Et pas n'importe lequel : le 78ème Vendredi du Vin ! Alors, que je t'explique le principe de l'événement : chaque mois, un(e) blogueur(-euse) endosse la présidence et propose à ses "confrères" de pondre un article sur un thème. Il se trouve que c'était Sandrine Goeyvaerts, une blogueuse belge autoproclamée "nombrilo-féministe pinardière", qui avait lancé le thème "Peau(x)".
 
 Ah oui, comme tu peux le constater, niveau thème, ça peut partir dans tous les sens... Et la Sandrine, c'est pas la dernière à nous proposer des thèmes à la con qui sortent des sentiers battus !...

Du coup, Papa, avec son nouveau boulot et ta venue imminente, il n'avait pas vraiment eu le temps d'écrire un billet, même que cela faisait des mois qu'il n'avait pas publié le moindre article... Et toi, paf, tu débarques à l'improviste, 2 semaines et 1/2 avant la date prévue, et tu m'offres mon premier peau à peau !

Alors là, chapeau l'artiste ! Franchement, c'était du grand art ! Déjà, t'avais le sens du rythme. Ah oui, parce que Papa, il t'a gardé plein d'instruments dont il ne joue plus trop, au cas où tu aies envie d'apprendre la musique (dont une super guitare basse pour groover... Promis, si tu veux, je t'apprendrai à slapper ! A moins que tu ne préfères souffler dans une clarinette ou un saxophone...).

Tu es née aux premiers jours de l'Automne. L'été indien tirait à sa fin, les feuilles se paraient de leur couleur d'or et les dernières grappes de chenin finissaient tranquillement de mûrir à Vouvray, présageant la production de grands vins moelleux... Parce qu'en plus, tu as eu le bon goût de naître lors d'un millésime que l'on annonce grand ! (t'inquiètes, Papa a prévu de mettre tout ce qu'il faut à la cave pour te faire ton éducation gustative le temps venu...)

Vent d'ange.

Tu sais, c'est la période de l'année que je préfère. Il y a cette luminosité particulière que j'aime tant. Il faisait si beau cette semaine-là. Pour me souvenir à jamais de ce moment merveilleux, j'ai pris cette photo. Je sortais de la mairie, où j'avais déclaré ta naissance. Devant l'agent administratif, j'avoue, j'étais fier comme un pou.


Je te vois venir, tu vas demander : "mais pourquoi fier comme un pou, Papa ? Un pou, ça gratte sous les cheveux mais en quoi c'est fier ?...". Et bien, ma chérie, si tu avais pris latin en 4ème comme ton père, tu saurais que je ne me comparais pas à cette vilaine bête mais au roi de la basse-cour (car "pou" vient de l'ancien français "poul", lui-même issu du latin "pullus" qui veut dire "coq").

Bon, j'avoue, j'ai regardé la signification sur Google, j'ai toujours été nul en latin...
Mais que ça ne te dédouane pas de potasser tes cours ! Le bac, on ne va pas te le donner, hin !...

A la maternité, on a eu la visite de la famille et des copains. Tu leur as fait un sacré numéro de charme !... Pour fêter ta venue au monde, on a bu des coups et mangé des pâtisseries. Papa avait ramené du champagne et des gâteaux. De chez Meert, les gâteaux. Maman, elle était contente.
 
 

Alors ça, c'est du Bollinger. C'est une des grandes Maisons de Champagne. Papa pense que c'est une des plus qualitatives, parce qu'il aime mater des vieux James Bond les champagnes vineux. Pour la fin d'année, et pour fêter ce magnifique millésime 2015 avec Maman et toi, Papa a déjà mis de côté une bouteille de leur grande cuvée, la Grande Année.

En rentrant à la maison, on a bu avec Maman un Chinon 2010 de chez Alliet. T'aurais vu la tête de Maman ! Elle roucoulait de plaisir après ces 9 mois d'abstinence...
 

 
Philippe Alliet, c'est un des grands noms de Chinon, très connu pour un vin qui s'appelle le "Coteau de Noiré" (il y en a à la cave, mais tu n'y touches pas sans ma permission, hin !). Papa trouve toujours qu'ils sont un peu austères dans leur jeunesse. Mais là, après quelques années, les tanins de cette cuvée "domaine" étaient soyeux. Le grain du vin était d'une grande délicatesse. Papa, il trouve ça sympa ce thème, parce que c'est le premier à dire que l'on s'arrête trop souvent aux seuls arômes et saveurs du vin, sans jamais évoquer l'aspect tactile. Et pourtant, ça compte tellement ! 
 
L'autre nuit, après ton bib' de 3h du mat', je pensais à cet article... à tout ce que j'avais envie de t'écrire. Cela tournait tellement dans ma tête que je n'ai pas réussi à me rendormir... Et puis le lendemain, je me suis dit que ces choses si intimes ne regardaient que Maman, toi et moi. Du coup, je te les ai murmurées à l'oreille, tout doucement en te faisant un câlin...

Maman et moi, nous ferons tout pour que tu sois une enfant heureuse, curieuse et épanouie, avant de devenir une jeune femme libre, moderne et indépendante.

Peau à peau, peu à peu, je te découvre chaque jour davantage.
Je t'aime déjà tellement, tu sais.
Qu'il pleuve ou qu'il vente, je serai toujours là pour toi, ma chouquette.

Ton Papa 
 


"I'm gonna love you, like nobody's loved you
Come rain or come shine
High as a mountain, deep as a river
Come rain or come shine"



Mots-clés : , , , , ,

Vendredi du Vin #76 : en Mai, bois ce qu'il te plaît ! Version imprimable

Oh qu'il me plaît, ce thème ! Et qu'il arrive à point nommé en ce mois de mai 2015, qui a vu (une énième fois...) s'étriper la blogospère vinique autour des vins natures, d'une critique gratuite et sans intérêt sur un vin soi-disant aux accents de cidre, etc., etc.

Et chacun de donner son avis, de faire des postures, d'écrire des conneries sans fond ni forme... Et bla bla bla, et bla bla bla...

Moi, en Mai, je me suis déconnecté de Facebook et de ces débats stériles (je vous le conseille, ça détend).  Marre, plein le cul. Putain, vous me faites chier, tous autant que vous êtes avec vos certitudes et vos leçons à deux balles. Je vous laisse jouer dans votre Gallodrome.

Vous remarquerez, je ne casse jamais des vins sur ce blog. Soit je ne parle pas des vins que je n'aime pas (pour la simple et bonne raison que ça n'a aucun intérêt... qu'est-ce que vous en auriez à foutre ?!... Rien. Précisément.) ou alors j'émets des réserves, si possible ar-gu-men-tées (ouh, le gros mot).

En mai, buvez donc ce qu'il vous plaît ! Et pas qu'en mai, TOUTE L'ANNEE !


N'écoutez que vous, ne succombez à aucune mode, ne faîtes confiance qu'à votre palais ! #FuckThemAll.

Soyez curieux, goûtez, goûtez et goûtez encore !
Allez chez les vignerons, dans des dégustations, des salons ! Demandez conseil à votre caviste préféré, auto-proclamé alternatif ou pas. Peut-être que vous n'aimerez pas le vin qu'il/elle vous a conseillé, peut-être aura-t-il/elle mal cerné vos goûts, peut-être n'est-ce pas votre style de vin, peut-être que ce dernier ne goûtait pas bien ce jour-là (ça arrive aussi et pas qu'avec les vins "nature"). Pas grave, c'est le jeu, ma bonne Lucette. C'est comme cela que l'on affine son goût. "Vivre prudemment, sans prendre de risque, c'est risquer de ne pas vivre" disait le poète. Avouez que, présentement, le risque n'est pas bien grand, au pire de verser le fond de la bouteille dans l'évier et d'avoir perdu quelques euros...

Et par pitié, ne succombez pas à la paresse intellectuelle de faire une généralité sur une appellation, un vigneron, un cépage ou une région viticole sur la simple et unique base d'une bouteille dégustée !

Laissez ça aux professionnels (ou assimilés), ils font ça très bien !... ;-)

Sur ce, je m'en vais mettre au frigo cette bouteille de Cheverny blanc, du Domaine de Montcy, que je ne connais que de réputation, et qui me paraît parfait pour un prochain apéro. Et bien qu'on ne m'en ait dit le plus grand bien, c'est promis, je me ferai mon opinion à la seule force de mes papilles ! C'est également promis, je n'en tirerai aucune généralité ni sur l'AOC, ni sur la pertinence d'assembler du sauvignon et du chardonnay, ni sur le fait de travailler en bio, pas plus que je ne qualifierai ce vin de féminin car produit par une vigneronne !...

Par contre, si je me régale, vous risquez d'en entendre parler ! ;-)
 





Mots-clés : , ,

Vendredi du Vin #74 : le vin qui désaltère Version imprimable

"Le vin qui désaltère", en voilà un thème fédérateur lancé du fond de son gosier par le vortex de la blogospère, j'ai nommé (le cérébral mais pas trop) Frédéric TRUCHON !

Et ce dernier de synthétiser de façon magistral la dite thématique : "Il fait soif, non ?...".

Tout est là, dans ces quelques mots lancés à la joyeuse assemblée, à ces chers convives attablés, le coude sur le zinc ou vautrés dans l'herbe autour d'un pique-nique dominical.

C'est beau comme du Audiard. C'est qu'il me ferait chialer, ce con.

Il se trouve que j'ai dans ma musette de quoi réhydrater les plus soiffards... Et si on se faisait une bonne vieille bacchanale à la mode romaine ?!... Hey, ça vous dit des grololos à volonté et des copains qui débordent ???!!!... (à ne pas confondre avec des "grololos qui débordent et des copains à volonté"... quoique le résultat serait le même finalement...)

Des grololos...


Tout est marqué sur l'étiquette, on n'est pas là pour disserter. Seule chose à faire : faire péter le pot de rillette et s'en servir une bonne tartine ! Jo Pithon et Joseph Paillé nous offre une bonne rasade de grolleau angevin, rustique juste ce qu'il faut.

Conseil du sommelier :
par deux ou en magnum, c'est toujours mieux. Particulièrement adapté pour un pique-nique dans le Val de Loire, en particulier à Loches (NB : peut présenter un poil de réduction à l'ouverture et juste ce qu'il faut d'acidité volatile pour plaire aux naturistes les plus "exigeants").

Au départ, une cuvée "pour se faire plaisir" qui devient un best-seller. Y compris aux USA, même si ces tartuffes de yankees, jamais avares de contradiction, jouent les vierges effarouchées en censurant l'étiquette officielle : "hide thy bosom from mine eyes"...



Etiquette "originale"

 
Les deux versions "états-uniennes" politiquement correctes... 
 
 
Bon, la paire de Grololos étant liquidée, on quitte Loches et son donjon pour Amboise et son château, avec la cuvée Ad Libitum de La Grange Tiphaine de Coralie et Damien DELECHENEAU !

... à volonté !...


Que tu aies échappé(e) ou pas à l'option latin en 4ème, cet assemblage de côt (le vrai nom du malbec, hin !...), de gamay et de cabernet franc, classique de l'appellation Touraine-Amboise (souvent commercialisé sous le vocable "cuvée François Ier"), pourrait bien te faire déclamer des vers du poète Ausone en version originale, à défaut de siffler des verres du dit château !...

A nouveau, tout est écrit.

Profite, lapin, et passe donc le poulet grillé à ton voisin !

 
... et des copains qui débordent !
 
 
Le test de Rorschach ?...

Car que serait la fête sans les copains qui font un peu nawak ?... Est-ce là le sens caché de cette étiquette du Mas du Chêne ?... Luc VIGNAL et Emmanuelle DELON, j'ai déjà parlé ICI de leur cuvée Pinot Chio, tout comme notre bicépale buveur préféré dans un précédent Vendredi du Vin.

Cette cuvée-ci est composée à 100% de cinsault, cépage languedocien longtemps et injustement décrié, et si cher aux papilles de David FARGE qu'il lui consacre une série sur son blog Abistodenas.
 
Grolleau, Cinsault. Même combat. Deux cépages qui ont de l'avenir, tant ils sont appropriés pour produire des jus frais et peu alcoolisés. En un mot : désaltérants !


En rédigeant ces quelques âneries, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée émue pour Anne, fidèle d'entre les fidèles des Vendredis du Vin, qui nous a quittés brutalement il y a un an de cela... Le 9 mars dernier, elle aurait eu 44 ans. 

J'aurais tant aimé partager ses quelques quilles avec toi, ma copine ligérienne, autour d'un pique-nique au bord de la Vienne ou de la Loire...

"Et si on chopait tous les moments de bonheur", en levant nos verres à sa mémoire ?!

"A la tienne, Anne !"
 
 


Mots-clés : , , , , , , , , , , , , , ,

Vendredi du Vin #71 : Le GRAS, c'est la VIE ! Version imprimable

En ce dernier vendredi de novembre, David Farge du blog Abistodenas nous invitait à célébrer le GRAS (car c'est la VIE) : "Ce mois-ci, mettez vos cellules adipeuses en émoi, partez en quête de votre grassouillet liquide favori, et capitalisons ensemble, avant que l'hiver ne vienne s'attaquer à nos réserves."

Hasard de calendrier, j'ai animé il y a 15 jours une dégustation sur les accords avec le FOIE GRAS, comme en témoigne cette photo :


 
Point de Sauternes, de Monbazillac ou encore de Vendanges Tardives alsaciennes... mais quelques alternatives, parmi d'autres !

Car enfin, pourquoi diable les français associent-ils des vins sucrés avec du gras ?!...  La réponse est historique, et non gastronomique : jusqu'au début du XXème siècle, semble-t-il, le foie gras était consommé comme "entremet" après le plat principal, avant le fromage ou le dessert. Du coup, dans l'ordre de service des vins, il était pour le coup logique d'y associer un vin sucré.

Mais, à présent, avec le foie gras servi généralement en entrée, il est bien dommage de l'arroser d'un vin liquoreux, qui ne fera que vous empâtez la bouche et vous ramollir les papilles !

AVEC LE FOIE GRAS, OSEZ LES ACCORDS AUDACIEUX !!!


Un cidre gastronomique, par exemple, de la maison normande Dupont, affiné 6 mois en fût de calvados !
 

 
Envie de bulles ? Je vous recommande vivement un vieux champagne blanc de blancs aux arômes de fruits secs et de truffe...
 

 
Et pourquoi pas un vin blanc sec, mais avec du gras, comme ce Jurançon sec "La Canopée 2010" du Domaine Cauhapé (100% petit manseng récolté en surmaturité en novembre, titrant 14,5% vol.).

Ou un vin jurassien du Château d'Arlay (plus ancien château viticole français) mêlant chardonnay et savagnin. Vous aimez les vins oxydatifs ? Faîtes-vous plaisir avec un savagnin sous voile, ou même un vin jaune !
 
Ou encore un Alsace Grand Cru Osterberg 2010 du Domaine Mittnacht Frères magnifiant les notes épicées du Gewurztraminer, mais sans la lourdeur d'une vendange tardive. 

En redescendant la Loire, arrêtez-vous du côté de Vouvray, avec ces Grives Saoûles 2009, vin 1/2 sec 100% chenin, produit par le tandem Perrault-Jadaud. 

En vacances sur l'île d'Oléron ? N'oubliez pas de ramener un vieux Pineau du Domaine Favre & Fils !
 

 
Vous préférez la Méditerrannée, allez donc du côté de Maury au Mas Karolina !
 

 
En fait, non, gardez plutôt cette belle bouteille pour le dessert (ou le digestif) car tous les convives furent d'accord : définitivement, un vin trop sucré s'associe mal avec le foie gras.

Vous l'aurez donc compris : un joli cidre, des vins blancs secs avec du gras et de la profondeur avec quelques années de cave, des vieux vins effervescent, des vins 1/2 secs, des vins mutés pas trop sucrés sont autant de jolis accords avec le foie gras !

Et pour les adeptes des vins rouges, préférez des vins rouges puissants mais avec quelques années de vieillissement, afin que les tanins soient parfaitement fondus, et que le vin commence à présenter des notes "tertiaires" (sous-bois, champignons...). Evitez donc un vin rouge trop léger ou trop tannique !

Et si vous tenez absolument à boire un vin liquoreux type Sauternes ou Monbazillac, je vous conseille de déguster votre foie gras en fin de repas, et d'y associer un vieux vin, qui développera des arômes tertiaires (et dont le sucre sera réellement "intégré"). Et quitte à rester sur un vin moelleux, je vous invite également à privilégier des vins à base de cépages qui ont davantage d'acidité que le sémillon (cépage principal des Sauternes et Monbazillac), comme le chenin (Coteau-du-Layon, Vouvray, Montlouis...) ou le petit manseng (Jurançon, Pacherenc du Vic Bihl, Côtes de Gascogne...).

Alors, à vos terrines, à vos tire-bouchons, dégustez !
 
 


Mots-clés : , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Vendredi du Vin #70 : HALLOWINE, les vins qui font peur Version imprimable

Face à un client, ou lors d'une dégustation, certains mots font souvent peur...

Mais de quoi parle-t-il ? Des termes techniques genre "réduction", "anthocyanes" ou "fermentation malolactique" ? Aussi, mais non. Ceux-là, ils ne font pas vraiment peur. Ils sont juste incompris la plupart du temps, hormis d'une poignée de geek du pinard.

Non, je veux vous parler de mots qui font vraiment, mais VRAIMENT PEEEEUR !

Vous ne voyez toujours pas ?...

OK, je me lance...

(Mais je vous aurais prévenu, accrochez-vous au siège...)

BEAUJOLAAAIS !!!


"AAAAAAHHHHHH !!!!... Non, pas du bojo nouveau !..."

JURAAA !!!

"AU SECOOOOURS !!!... Par pitié, pas un vin éventé !..."

Quoi, vous en voulez encore ???!!!

OK, je vois que vous aimez avoir peur...

Accroche ton dentier, Ginette !...

...

MUUUSSSSCAAAAADET !!!
 
 
"HIIIIIII !!!!... Oh non, plutôt boire de l'acide chlorydrique !..."

 
Voilà. Vous avez bien flippé. Je vous avais prévenu, pourtant. Et encore, je suis sympa, j'aurais pu continuer avec quelques autres noms d'oiseaux de mauvaise augure :

"vins rouges de Loire !" (des p'tits vins à boire glacés, qui ne se gardent pas !...)

"rosé !" (c'est pas du vin !...)

"porto !" (mais c'est plus l'époque du melon !...)

"cru bourgeois" (mais je ne bois que des crus classés, mon bon monsieur !...)

Bref, vous voyez où je veux en venir : les (trop) nombreux A PRIORI qu'ont beaucoup de consommateurs vis-à-vis de tel ou tel vin ou appellation...

Pas tous les jours facile de travailler à l'extension du domaine de la lutte...

C'est drôle, pendant que j'écris ses lignes, je regarde d'un oeil distrait - j'écoute surtout - Led Zep jouant Stairway to Heaven (fabuleux live @ Earl's Court en 1971). Et je me dis qu'il est bien triste qu'autant de gens soient si bornés, et surtout si dénués d'ouverture d'esprit et de curiosité. Dommage pour eux, finalement, ils passeront simplement à côté d'innombrables plaisirs bachiques, comme autant de marches vers le paradis gustatif...

En parlant du Muscadet - puisque c'est de cet horrible épouvantail dont je veux vous parler aujourd'hui - il me revient en mémoire les commentaires d'un client à l'approche des fêtes de fin d'année. Visiblement aisé financièrement, et recevant ses beaux-parents - lesquels, vous vous en doutez, ne buvaient que des "grands crus" (sic) - ce monsieur souhaitait donc épater la galerie (en mode "le prix n'est pas un problème").

"Pas de problème, mec. Balance ton menu, qu'on rigole".


Pour chaque plat, je l'oriente donc vers de "belles" bouteilles (chères, mais pas trop quand même), de celles qui font bien devant Beau-Papa. Des noms qui parlent, même si on n'en a jamais bu : Chablis, Sancerre, Côte-Rôtie, Châteauneuf-du-Pape, Saint-Emilion, Pauillac... Bref, ceux-qui font bien sur la table dominical. Qui pose son homme. Qui marque socialement. Et s'il y a écrit "Grand Cru" dessus, c'est mieux.

"Et qu'avez-vous prévu en entrée ?
- Des huîtres.
- Dans ce cas-là, je vous conseille un vin blanc bien sec, avec une belle vivacité (surtout, ne pas prononcer "acidité", ça fait flipper le quidam moyen) et un côté un peu iodé. Je vous propose cet excellent Muscadet (à 5-6 euros la bouteille)".

Je me rappellerai toujours de sa réponse :

"Quoi, vous vous foutez d'ma gueule (car oui, les gens sont toujours aimables et polis) ? J'vais passer pour un con si je sers du Muscadet. Vous n'avez pas autre chose (traduction : "je ne suis pas un clodo, sors-moi une bouteille à 15 euros minimum"), un Condrieu par exemple ?"

Réflexion à moi-même : "Quoi, du viognier sur des huîtres ? Mais pourquoi pas servir carrément un jus d'abricot, ducon !!!... Et pourquoi pas un Sauternes ?...".

Moment de solitude. Mais on reste zen. On insiste un peu, précisant que c'est quand même l'un des plus jolis accords, qu'il y a d'excellents vins dans le Muscadet. Mais on voit rapidement que c'est un cas perdu. Le mec ne boira que de jolies étiquettes "qui brillent".

Que lui ai-je conseillé, pour finir ? Je ne sais plus, sans doute un grand "classique" pour ne pas apeurer sa bourgeoise de belle-doche : un petit Chablis ou un Sancerre bien variétal, sans doute, deux ou trois fois plus cher.

"Tant mieux commercialement", vous me direz. Avant d'ajouter : "si ça lui fait plaisir de boire des étiquettes... l'important, c'est qu'il soit content et qu'il ait envie de revenir t'acheter du vin...". Et vous aurez raison, bien sûr. Sauf que parfois, c'est vraiment désespérant.

Autre exemple récent, je vais depuis quelques temps dans un club d'oenologie. Le principe est sympa : à tour de rôle, chacun est invité à monter une dégustation thématique. Et là, je propose de leur faire goûter une sélection de muscadets "haut de gamme", taillés pour la "garde", histoire justement de casser quelques a priori.

Les réactions diverses ne tardent pas à fuser. Si quelques-uns s'enthousiasment, je vois bien que ça ne fait pas rêver la majorité. Certains s'étonnent poliment (ah bon, il y a des muscadets de "garde" ?), voire ricannent gentiment (merci, mais je tiens à mon foie).

Etc, etc.

Inutile de vous faire un dessin.

Bref, je leur ai concocté une sélection aux p'tit oignons, en essayant de représenter les différentes régions du Muscadet (Sèvre-et-Maine, Côtes-de-Grandlieu, Coteaux-de-la-Loire), et m'attachant à montrer l'incroyable diversité de terroirs de ce vignoble (amphipolite, gabbro, gneiss, orthogneiss, granit, micaschiste, roches magmatiques...).

Dans le désordre :

Muscadet Côtes-de-Grandlieu 2011
Domaine de l'Aujardière - Eric Chevalier


Clos de la Fèvrie 2010
Domaine Le Fay d'Homme - Vincent Caillé

Rubis de la Sanguèze 2010
Clos de la Barillère - Xavier Gouraud


Nectar de l'Erdre 2009
Domaine de Port Jean - Daniel et Cyrille Becavin

One 2011
Domaine du
Grand Mouton - Marie-Luce Métaireau et JF Guilbaud

Gneiss 2012
Domaine de l'Ecu - Guy Bossard et Frédéric Niger Van Herck

Orthogneiss 2011 (Domaine de l'Ecu)

Granit 2011 (Domaine de l'Ecu)

Les Dabinières 2012
Domaine Bonnet-Huteau - Rémi et Jean-Jacques Bonnet

Les Gautronnières 2012 (Domaine Bonnet-Huteau)

Les Laures 2011 (Domaine Bonnet-Huteau)

A ceux-là, j'aurais pu en ajouter bien d'autres, parmi les pionniers de ce renouveau qualitatif : Jo Landron, Luneau-Papin, Bruno Cormerais...  ou encore Jérôme Bretaudeau (j'ai découvert ses vins à la dernière édition de la Dive Bouteille, je me suis pris une énÔrme claque).

Si les avis ont pu diverger sur certains vins, tous ont été surpris par la complexité et la variété des profils aromatiques, souvent bien éloignés de l'image "classique" que l'on peut avoir du Muscadet. Et de reconnaître l'incroyable rapport qualité-prix-plaisir de ces vins (entre 6 et 15 €) ! A l'aveugle, peu de dégustateurs auraient placé ces vins en Loire-Atlantique... comme l'ont prouvé par le passé d'autres dégustations à l'aveugle "opposant" Muscadet et grands vins blancs d'autres vignobles, comme celle-ci.

Et de se rendre compte de l'aspect "gastronomique" de ces vins raffinés, qui ne sont pas destinés à être bu uniquement avec des produits de la mer, mais aussi des plats épicés, exotiques, des viandes blanches, des fromages...

Malheureusement, cette région viticole souffre encore d'une image déplorable pour beaucoup, liée en grande partie à une stratégie quantitative plus que qualitative de la grande majorité des vignerons nantais (70% est vendu au négoce).
 
Ce vignoble se remet péniblement de la terrible crise de 2008, qui a conduit à l'arrachage de près de 20% du vignoble.

Comme l'écrit le journaliste de Breizh-Info dans son article "Muscadet : le dernier des grands vins blancs" : "Rien n’y fait ! Le désamour entre les Nantais et le Muscadet paraît manifeste. Ce divorce résulte de trois longues décennies d’errements, durant lesquelles, une production de grande diffusion, assise sur une production libérale,  s’est appliquée à discréditer le grand potentiel du terroir".

Pour lutter contre cet état de fait, l'association Les Vignes de Nantes s'est créée, regroupant la majorité des meilleurs vignerons de l'appellation, dont les vins sont pourtant présents sur les plus belles tables de la planète.

Quant à moi, je vais poursuivre le combat pour la reconnaissance des grands vins du Muscadet, en servant ce soir à nos convives cette magnifique cuvée "Haute-Tradition" 2010 de Jo Landron, pour magnifier un plat oriental...
 
.
 


Mots-clés : , , , , ,

Vendredi du Vin #68 : Vin de Jeune Version imprimable

Ce mois-ci, Nathalie Merceron du blog Saveur Passion nous invite à plancher sur le thème "Vin de Jeune" :

"Pour ces VdV #68, j'enfourche donc un cheval de bataille qui m'est cher, juste avant la rentrée scolaire-universitaire : quelle intitiation au vin ? Quel vin faire déguster, dans quelle circonstances, quelle appellation "facile" ou chouchou, quel type de vin, quelle couleur, chez quel vigneron, et comment... ? Quel vin pour un jeune ? Ou quel "vin de jeune" ?..."

L'occasion pour moi de partager avec vous une chouette expérience menée en 2013 avec un club d'oenologie étudiant. Son président, client de la cave dans laquelle je travaillais, m'avait proposé d'animer des "conférences oenologiques" à la faculté. Enthousiaste, j'avais évidemment répondu par l'affirmative, tant il me paraît indispensable d'éduquer au goût et au "bien boire" (de façon hédoniste et raisonnable, à l'inverse du "binge drinking") les adultes en devenir que sont les étudiants.

J'ai eu le plaisir d'animer 3 soirées, dont les 2 premières dans un amphithéâtre devant 60 à 80 personnes (je vous prie de croire que c'est pas la même dynamique qu'organiser une dégustation pour 12 personnes, la première fois, ça fait drôle...). La 3ème s'était déroulé dans un bar/resto, en présence d'un vigneron invité, dont je vous parlerai ensuite.

Deux constats me sautèrent aux yeux, le premier préoccupant, le second source d'espoir :

1) une très grande majorité n'avait AUCUNE culture du vin, n'en avait bu que rarement en famille et n'était jamais allé chez un caviste. Ils n'en buvaient que très rarement (encore plus rarement du bon) et étaient souvent un peu complexés et perdus vis-à-vis des multiples appellations, cépages, etc., sans parler des nombreuses idées reçues (qui ne sont pas l'apanage des jeunes dégustateurs, d'ailleurs !...).

2) pour peu de s'y prendre intelligemment et de rendre les choses ludiques, les étudiants manifestaient un très grand intérêt, beaucoup de curiosité et une large ouverture d'esprit.

Disons-le tout net, la consommation de vin en France baisse inexorablement depuis les années 60. Or, que se passera-t-il dans 20 ans, si nous autres, professionnels du vin (caviste, sommelier, etc.), nous ne faisons rien aujourd'hui pour sensibiliser les jeunes ?... Dans ce cas-là, je vous prédis une disparition progressive du métier de caviste, une bonne vieille crise agricole et une filière tirée avant tout par l'export (si l'on ne se fait pas trop bouffer d'ici là nos parts de marché par les autres pays producteurs)...

D'où la nécessaire sensibilisation aux plaisirs du vin des jeunes adultes !

Mais reprenons.

Lors de la première séance, j'avais commencé, de mémoire, par une initiation à la dégustation avec une bulle, un blanc sec, un rosé, un jeune rouge léger, un vieux rouge structuré et un blanc moelleux. Evidemment dans une gamme de prix raisonnables pour la bourse d'un étudiant moyen (pour bien leur prouver qu'ils pouvaient trouver chez un caviste de très bons vins sans forcément mettre des fortunes...).

Puis, une deuxième séance consacré à la Champagne, pour tenter de leur montrer que 1) le champagne est un vin 2) il en existe une très grande diversité. 3) mais pourquoi tout le monde a gloussé (surtout les jeunes demoiselles) quand j'ai parlé de remuage et de dégorgement ?...

La dernière soirée fût l'occasion d'une rencontre avec Louis-Marie TEISSERENC du Domaine de l'Arjolle (IGP Côtes de Thongues, dans l'Hérault). Car, dans cette transmission de la passion et des savoirs, rien de mieux qu'une rencontre avec un vigneron !


Ce fût une soirée mémorable, à tout égard. Une affluence record, une grande curiosité de la part des étudiants, une super ambiance, des accords mets & vins superbes !
 


La Méridienne, assemblage improbable de sauvigon, viognier et muscat petits grains...

Le truc bien avec les vins de l'Arjolle, c'est qu'ils sont ludiques et souvent iconoclastes (rosé vieilli en fût, moelleux à base de muscat petits grains, vin de voile à base de chardonnay, assemblages improbables, seul domaine français à produire un 100% zinfandel...).
 


Z de l'Arjolle, 100% zinfandel...

Et comme Louis-Marie est une homme charmant et très pédagogue, le courant passa d'entrée de jeu avec l'auditoire.


La Lyre, vendange tardive de muscat petits grains...





Non, l'éducation populaire n'est pas morte...

 
 Crédits photos : Cénacle
 
 


Mots-clés : , ,