Retour sur la dernière édition du Salon des Vignerons Indépendants de Lille, qui s'est déroulée du 16 au 18 novembre dernier.

Lundi matin, à l'ouverture. Après avoir fait la queue derrière des hordes de flamands piaffant d'impatience, et muni du célèbre verre INAO à l'effigie du vigneron indépendant, me voilà lâché dans l'arène...

Cette année, j'ai décidé d'être professionnel. Les bulles et les blancs secs d'abord, les rouges ensuite, pour (me) finir éventuellement sur les vins moelleux. Evidemment, au fil des stands, le principe s'effrite, la raison se perd et c'est parti mon kiki pour tout mélanger. Mais bon, c'est aussi ça, être pro. Savoir goûter (et recracher) des dizaines de vins de toutes les couleurs, dans tous les ordres possibles, et toujours, à la fin, rester digne.

Quoique.

Bref.

Comme je suis bavard et curieux, malgré le fait que j'y sois resté toute la journée, je n'ai pas goûté les vins de beaucoup de domaines. Rien à voir avec la construction européenne, mais ce jour-là, j'ai plutôt opté pour l'approfondissement plutôt que pour l'élargissement.

Plutôt qu'une longue liste, vous trouverez donc ci-dessous quelques coups de coeur ! 

Premier arrêt au stand du Domaine de la Châtaigneraie, pour saluer Benoît Gauthier et m'affûter les papilles avec une bonne rasade de son fameux Vouvray brut non dosé, j'ai nommé Bubble's Kiss. Et paf le chat, ça remet le facteur sur le vélo !
 

Après cette entrée en matière vivifiante, je me dirige vers un autre domaine ligérien, dans le Muscadet cette fois-ci.

Quoi ?... Qu'ouï-je ?... Des commentaires railleurs : "le muscadet, c'est pas du vin", "quoi, t'as plus de Destop pour déboucher ton évier ?", "toi, t'as pas peur pour tes gencives", etc. 

Fous que vous êtes !... C'est comme dans la pub : ça, c'était avant. Ou en tout cas, ce serait faire fi d'un nombre croissant de vignerons qui font bon et sain en Loire-Atlantique ! Qu'on se le dise, le Muscadet, c'est le vin blanc au meilleur rapport qualité-prix au monde (et pourtant, Dieu sait que j'aime le Chenin) ! Pour s'en convaincre, allez donc goûter les jus de vignerons tels que Guy Bossard et Frédéric Niger (Domaine de l'Ecu), Jo Landron (Domaine de la Louvetrie), Pierre Luneau-Papin (domaine du même nom), Bruno Cormerais (domaine du même nom) et de tous les vignerons de l'association Les Vignes de Nantes.

Derrière la production de masse orchestrée par le négoce local, l'amateur gastronome curieux trouvera chez ceux-là des grands vins blancs à prix tout doux, taillés pour la garde, qui "meusaulteront" joyeusement après quelques années passées en cave...

Présentement, la première grosse claque de la journée fût administrée par les vins de l'un de ses membres actifs : Rémi Bonnet du Domaine Bonnet-Huteau.


 
En vin blanc, s'il y a bien un région viticole que j'ai envie de creuser (avec l'Alsace et le Roussillon), c'est bien le Muscadet. J'avoue, le Tourangeau que je suis a longtemps relégué le Melon de Bourgogne (le cépage du Muscadet, ndlr) bien loin qualitativement derrière le Chenin (Ô Roi des cépages ligériens) et le Sauvignon (quant il est bien travaillé, hin !... Pas du gros gvariétal qui tâche aux arômes de pipi de chat, branche de buis et bourgeon de cassis...).

Mais ça, cétait (encore) avant.

A l'instar de Bill (Clinton), I must confess : "I was wrong, it was bad...".

C'est un fait, l'aire d'appellation du Muscadet re-gorge(s) (hum !... ) de terroirs de ouf comme disent les jeunes, à la géologie des plus variée : les sols de gneiss, micaschistes, amphibolites et autres granits sont les terreaux d'autant de profils de vins différents. Et passionnants !

Si j'ai trouvé toute la gamme intéressante (dont un surprenant vin de soif à base de pinot gris pour bavasser entre copains !), j'ai été bluffé par les 3 sélections parcellaires explorant justement cette variété de terroirs :

- Les Dabinières 2012 (micashistes et gneiss, graviers et sables avec un peu d'argile) : tension, minéralité, tonicité, notes de fruits à chair blanche.

- Les Gautronnières 2012 (roches vertes et amphibolites sur sol silico-argileux) : clos de 8 ha, parcelle plus froide, vendange plus tardive, très belle minéralité, salinité, gros potentiel de garde. C'est bon, ça !

- Les Laures 2012 (granits, sols caillouteux) : la cuvée la plus en dentelle, un vin tout en élégance et en finesse, aux notes d'agrumes et de fruits blancs bien mûrs.
 
 
 
Seconde baffe de la journée, avec les vins des Domaines Minchin (La Tour Saint-Martin en AOC Menetou-Salon et Le Claux Delorme en AOC Valençay).

Bertrand Minchin, c'est un sacré personnage. Bon, OK, un mec qui t'offre la moitié de ses frites (des "vraies", cuites 2 fois dans de la graisse de boeuf !) en te faisant goûter des super quilles, forcément, tu le trouves sympathique !
 

C'était la première fois que je goûtais ses vins. Respect. C'est très très très bon. Vraiment. Quand tu goûtes les sauvignons, tu te dis "enfin !!!". Quand tu goûtes les purs pinots noirs, tu t'exclames "mais voilà !!!". Sans oublier les autres gourmandises à base de gamay, cabernet franc et autre côt...

Voici les cuvées qui m'ont le plus bluffées :

- La Tour Saint-Martin "Honorine" 2012 (Menetou-Salon blanc) : 100% sauvignon, vignes de 20 ans d'âge, superbe terroir de Morogues argilo-calcaire, marne kimméridgienne si vous voulez tout savoir. Grosse matière, minéralité ++, acidité saline, arômes mielleux. Taillé pour une garde de 10 ans, à l'aise, Blaise !

- Red de Rouge 2012 (Touraine rouge) : 100% gamay, vignes de 20-30 ans d'âge, terroir d'argile à silex en sous-sol, couverture de graves en surface. Un concentré de fruits noirs et rouges, saupoudrés de poivres. Et glou !

- Franc du Côt-Lié 2011 (Touraine rouge)
: côt (70%) et cabernet franc (30%). Beaux graviers sur argiles sur la commune de Châtillon-sur-Cher. Vignes de 25-30 ans. Fruits noirs confiturés, très épicé, notes de thym, laurier et thé noir. Fraîcheur et équilibre malgré une matière charnu. Le copain des viandes rouges et du gibier. Très bon dès maintenant, promis à un bel avenir.

- La Tour Saint-Martin "Célestin" 2011 (Menetou-Salon rouge) : 100% pinot noir, vignes d'environ 20 ans sur terrain argilo-calcaire exposé sud/sud-est. Fruits noirs, floral, senteurs de cuir et de sous-bois, d'épices et de tabac. LE COUP DE COEUR. Wahou, rien à envier à des grands bourgognes !...
 


Au détour d'une année, j'aperçois le stand de Jean-François Mérieau du Domaine Les Bois Vaudons (Touraine). Bon, j'avais pas prévu... Mais j'adore les vins de ce domaine que je n'ai pas goûtés depuis fort longtemps... C'est ce qui s'appelle un guet-apens. Troisième coup de coeur !

Les vins de Jean-François Mérieau, c'est pas compliqué, je les aime tous, des blancs secs aux rouges en passant par le pét' nat' chenin/chardonnay (Jean Boa) et le vin oxydatif improbable à base de sauvignon (Tu le Boa)... Ce coup-ci, coup de projecteur sur leurs rouges mêlant concentration et finesse (aux antipodes des idées reçues sur les supposés "petits" vins rouges de Loire...) :
 

- Boa le Rouge 2009 : 100% gamay vieilles vignes, provenant de terres argilo-calcaires. Arômes de cerise et de framboise, floral. poivre blanc.

- Les Grands Champs 2009 : 90% cabernet franc / 10% côt. Vin rouge de garde, déjà très gourmand et appétant. Un concentré de fruits noirs et rouges.

- Alliance des Générations 2005 : 75% cabernet franc / 25% côt. Elevage de 7 ans en fût de 400-600 litres. Arômes de violette, pruneau, épices, bois de santal. Ouh la la, c'est bon, ça !

- Cent Visages 2010 : 100% côt, vignes de 70 ans, sélection massale. Réglisse, fruits noirs, violette et truffe. Le Malbec made in Loire = le Côt !

- Gueule de Boa 2009 : 100% côt, élevage en fût. Velouté, dense, profond. Arômes de fruits rouges mêlés de sous-bois, résine et pain grillé.  Big up !

Bon, je me rends compte que mes 3 domaines "coups de coeur" sont ligériens. J'entends déjà les mauvaises langues m'accuser d'être partisan... C'est pas de ma faute à moi si c'est l'une des régions viticoles aux meilleurs rapports qualité-prix-plaisir... ;-)

Allez, hop, pour finir, allons faire un tour en Vallée du Rhône au Domaine des Favards, propriété de la famille Barbaud depuis 1920, actuellement en conversion à l'agriculture biologique.
 
  La mère et la fille... la relève est assurée !
 
 
Un domaine familial proposant de jolis vins des Côtes-du-Rhône et Côtes-du-Rhône-Villages Plan de Dieu, avec un projet oenotouristique sympa ! Vente uniquement aux particuliers. Super rapports qualité-prix (de 4,90 € à 12,80 €).

Une mention spéciale pour une cuvée 100% carignan en Vin de France, issue de vieilles vignes, vinifié en macération carbonique. Un vin souple et gourmand aux arômes de framboise et mûre.
 
 
Merci à Fabrice Le Glatin pour ses caftages.