Comme
Sandrine Goeyvaerts a la bonne idée d'écrire ses "IdéalaKon" sur le vin, j'me suis fait couper l'herbe sous le pied (ou décavailloner le cep, si vous préférez) pour parler de ces
"crémants forcément moins bons que des champagnes" et des
"vins natures qui pueraient du cul"... thèmes qui faisaient partie de ma liste d'idées reçues à corriger...
Comme en plus, elle a l'outrecuidance de les corriger de fort belle façon, je ne peux que vous inviter, chers lecteurs, à aller faire un tour du côté de la PinardotheK pour lire sa prose.
Puisqu'elle le prend comme ça, j'm'en vais faire un tour du côté du rayon whisky !
Idées reçues et corrigées #3 : un whisky "foncé" est meilleur qu'un whisky "clair"
Selon les études marketing, en tout cas, les whiskies de couleur "foncée" se vendraient mieux... C'est pour cela qu'un certain nombre de distilleries et autres "blenders" (négociants en whiskies qui assemblent des whiskies provenant de différentes distilleries) utilisent des colorants, en particulier du caramel pour "intensifier" la couleur et cacher la misère au niveau gustatif. Si, si.
Mais peut-on se fier à la couleur d'un whisky pour en apprécier la qualité ?
Point du tout.
Explications.
Lorsqu'une eau-de-vie, peu importe laquelle (whisky, cognac, rhum, etc.), coule de l'alambic, elle est translucide.
Ce n'est qu'au cours de l'élevage en barrique que cette eau-de-vie se colore au contact du bois. La couleur du produit final dépendra donc du type de barrique utilisée. Et du type de spiritueux ou de vins contenu précédemment !
Sachez en effet que vos "single malts" (whiskies à base d'orge malté produit par une seule distillerie écossaise) préférés vieillissent, hormis quelques notables exceptions, dans des fûts déjà usagés.
A contrario, les producteurs américains de Bourbon (whiskies produit dans l'état du Kentucky, à base de 51% minimum de maïs) utilisent toujours des barriques neuves, brûlées à l'intérieur.
Ce faisant, les barriques de bourbon (chêne blanc américain) sont revendues dans le monde entier, à d'autres distilleries écossaises, irlandaises ou encore japonaises. Ces barriques étant les moins onéreuses sur le marché, ce sont celles qui sont les plus fréquemment utilisées.
Mais les distilleries, notamment écossaises, utilisent d'autres types de barriques pour l'élevage de leurs whiskies, qui apportent chacune des notes particulières aux whiskies et une coloration plus ou moins foncée :
- Xérès (notes de fruits secs et d'épices douces)
- Porto (notes de cacao, de fruits noirs)
- Sauternes (notes de miel et de citron)
Mais aussi des fûts ayant contenus du Rhum, du Madeire, du Châteauneuf-du-Pape, du Bordeaux, du Marsala... On parle également de "hogshead", fût reconstitué à partir de duelles de différents fûts de bourbon par le maître tonnelier de la distillerie... Bref, la liste est longue !
Certaines distilleries comme Glenmorangie (cf. photo) ou Benriach proposent des "finitions" en fût de sauternes, xérès, porto... Chaque version présente donc une couleur différente. Certaines autres comme Balvenie ou Macallan (pour ne citer que des distilleries connues) proposent des whiskies avec double ou triple "maturation", c'est-à-dire un passage dans des barriques ayant contenues différents types de spiritueux ou de vins.
Vous l'aurez compris, la couleur d'un whisky n'est que FACTUELLE.
Voici néanmoins quelques points qui peuvent vous aiguiller dans votre choix :
- la mention "colour free" ou "natural colour" qui indique (vous vous en doutez, bilingues que vous êtes) qu'il n'y a pas eu de rajout de colorant.
- la mention "un-chill filtered" ou "non-chill filtered" qui indique que le whisky n'a pas été filtré à froid, opération qui consiste à donner davantage de brillance et de limpidité au produit (marketing, quand tu nous tiens !) mais qui a la fâcheuse tendance à "dépouiller" le whisky de molécules aromatiques et de "gras". Ne soyez donc pas surpris de tomber sur des whiskies légèrement "troubles", ce qui n'est en rien un défaut, au contraire ! L'embouteilleur indépendant Signatory en a d'ailleurs fait l'une de ses marques de fabrique en commercialisant ses fameux "very cloudy".
- le degré alcoolique : mieux vaut préférer des whiskies embouteillés à 46% vol. minimum, généralement le rapport puissance/équilibre/complexité le plus satisfaisant. Sur ce dernier point, sachez que pour abaisser le degré alcoolique, on ajoute de l'eau. Tous les whiskies "bas de gamme" sont donc embouteillés à 40% vol., car au-delà, les distilleries paient davantage de taxes (et oui, ma bonne dame). Le hic, c'est que ces spiritueux sont souvent un peu "dilués". Les amateurs leur préfèreront les versions embouteillés à un degré alcoolique supérieur, ou carrément en "brut de fût" (pas d'ajout d'eau, donc des whiskies pouvant titrer jusqu'à plus de 60-62% vol.).
Voire en "single cask" : whiskies provenant d'une seule barrique très qualitative, commercialisé en édition limitée donc, embouteillée à son degré naturel (brut de fût) ou non.
Dernier point : alors qu'il est d'usage de rajouter un filet d'eau sur des whiskies puissants (notamment embouteillés en brut de fût), ce qui permet d'atténuer la puissance de l'alcool et de libérer des molécules aromatiques, je vous déconseille de rajouter des glaçons, le froid "bloquant" les arômes... Qu'on se le dise ! Sur ce...
SLÁINTE ! (santé en Gaélique)