Ce thème-là, sur les vins coopératifs et solidaires, ça faisait longtemps que je l'avais dans les cartons... En ce début d'année, devant les frasques individualistes des uns et des autres, et en plein dans mes cartons justement, je me suis dit que c'était le moment de le mettre sur la table...

Je vous l'avoue, j'avais un peu peur de la réaction générale. Je craignais quelques commentaires railleurs, quelques poncifs dogmatiques... tant l'espace internet me paraît être aujourd'hui le lieu privilégié des guerres de chapelles et de l'étalage d'idées reçues, d'affirmations péremptoires sur le vin - y compris venant de gens qui n'ont jamais vu un cep de vignes - postées ou tweetées bien à l'abri derrière son écran, en pantoufle en train de caresser le chat ou madame.

J'avais envie que l'on me parle d'idéaux, de militantisme, d'esprit collectif, de belles histoires humaines. Parce que oui, le vin, c'est fait par des hommes et des femmes. Qu'être vigneron, c'est compliqué. Bien plus compliqué que l'image rêvée que certains citadins se font du "retour à la terre" (excellent BD de Manu Larcenet, au demeurant). Qu'une bouteille de vin, c'est de la sueur et parfois des larmes. On ne vendange pas en marcel et en tongues tous les ans...

J'avais aussi envie que l'on prenne de la hauteur, que l'on reparte à la base, qu'il y ait de la mise en perspective.

Je vous le dis sincèrement, chers camarades, j'ai été ému devant tant d'ouverture d'esprit, de curiosité et de hauteur de vue !

Tandis que certains furent pris au début d'une certaine circonspection avant de finalement trouver l'inspiration, d'autres manifestèrent dès l'annonce du thème un enthousiasme qui ne s'est jamais démenti. Une dernière enfin - jamais la dernière en l'occurence pour se faire remarquer - prouva d'une manière étincelante, dans le fond et dans la forme, que l'on peut partir de rien et arriver au sommet.

Premier arrivé sur la barricade, Rémy Bousquet nous gratifia de deux illustrations. Une classe. Et une autre.
Une aspirine, Michel ?...

Comme je suis français, et que les français adôÔôrent mettre des étiquettes (pas toujours éthique) et mettre les gens et les choses dans des cases, j'ai choisi de manière parfaitement péremptoire et autocratique de vous regrouper par profil sociologique. M'enfin, loin de moi l'idée de jeter la pierre à Bourdieu... Aimait-il seulement le Morgon d'ailleurs ? Enfin, arrêtons les divagations, je suis à la bourre... et laissons Dieu en-dehors de tout ça... Au final, cette classification n'a de toute façon aucun sens, dans le sens, justement, où chaque article pourrait rentrer dans toutes les catégories... Voilà, c'était le paragraphe "no reason". 

Les Solidaires

Le premier caftage (à lire sur la page facebook) nous vient de Franck Kukuk, l'homme aux trois K qui kiffe le Domaine de l'R. Ce dernier nous sert, à défaut d'un gros bol, une bonne rasade d'initiative solidaire en nous parlant des Vinifilles, groupe de vigneronnes languedociennes qui, d'air, n'ont pas l'air d'en manquer. Cafteur dans l'âme, Franck partage également avec nous cette vidéo, ou l'histoire d'une belle solidarité entre vignerons :




Cette histoire de solidarité vigneronne, c'est justement ce que nous conte Catherine, du blog Une Femme, des Vins. Après que Raymond de Villeneuve, du Château de Roquefort en Provence, ait perdu toute sa récolte suite à une forte grêle le 1er juillet 2012, une incroyable chaîne de solidarité s'est en effet mise en place ! Pas moins de 35 vignerons de la vallée du Rhône et de Provence ont apporté en moûts, en raisins ou en vin l'équivalent de 522 hl, pour permettre à Raimond de Villeneuve de produire un vin rosé et un vin rouge. Pour information, la cuvée "Grêle 2012" sera disponible à partir d'avril 2013 !

Nathalie Merceron
nous administre, quant à elle, une bonne dose de Sang Neuf : à la lecture de son billet, on s'prendrait bien une bonne lampée de cette "cuvée collaborative", créée par l'Association des Jeunes Vignerons de Gigondas, dans laquelle chacun apporte 20 litres de sa plus belle cuvée. Un Gigondas convivial, pour resserer les liens d'amitiés, c'est pas génial, ça ?!

Les VdV s'internationalisent avec cette contribution en anglais du blogueur vin Allemand Christian Schiller. Ou l'histoire d'une cuvée produite par deux vignerons assez réputés de la ville de Hochheim dans le Rheingau et vendue au profit de l'association locale "Gegenwind" (vent contraire), qui essaye de défendre la région contre les menaces en bruit par les pistes et voies d’atterrissage de plus en plus gourmandes en espace et émettrices de bruits, qu'il voient comme menace au bien-être et à la prospérité de leur région. Donc un vin fait "à deux"=coopératif, qui est au même temps un geste solidaire dans un intérêt collectif. (merci à Iris pour la traduction)

Les Passeurs

Doc Adn nous propose une escapade au Domaine de la Pépière, où il est question de passage de témoin entre Marc Ollivier, le "sorcier de Loire-Atlantique", et Rémi Branger... de transmission et d'innovation entre 2 hommes, 2 générations, un barbu et un glabre, qui façonnent à quatre mains des Muscadets d'exception, qui "meursaultent" joyeusement ! Comme quoi, "1+1 =3". Merci pour le clin d'oeil au poète belge.

Philippe Rapiteau, atteint d'une inspiration de dernière minute ("était-ce Dieu, était-ce le Diable" chantait Barbara), nous entraîne également en Loire-Atlantique, terre de renouveau de grands vins blancs, à la découverte de la cuvée "Taurus" de Guy Bossard et Frédéric Niger Van Herck et son étiquette représentant un vitrail de la cathédrale de Chartres. N'en déplaise à Lucifer!...

Isabelle Perraud nous parle d'une "nénette formidable", Anne Paillet, et de ses vins. De son parcour des tours de la Défense à la vinification de raisins de Christophe Beau (Domaine Beau Thorey), encore une belle histoire de transmission (de raisins, mais pas que)... 

Les Coopératifs

Michel Smith nous raconte combien il "admire l'oeuvre collective, celle qui est le quotidien d'un simple domaine viticole", en nous livrant un véritable cri du coeur. CQFD. Merci beaucoup, Michel.

Jacques Berthomeau, quant à lui, nous conte la génèse du mouvement coopératif viticole, aidé en cela par les belles plumes de Charles Gide et Bernard Halévy. Un retour aux sources aussi éclairant qu'émouvant.

Olivier Lebaron nous dresse justement le portrait d'Aurélie Pereira, "vigneronne en appellation d'origine à la Cave de Maury". Ou l'itinéraire d'une jeune vigneronne qui a choisi de son propre chef d'apporter son énergie au projet commun. Olivier nous rappelle par là-même le rôle de développement local et de transmission intergénérationnelle d'une structure coopérative. "La vigne est une ligne de vie indispensable".

Antoon Jeantet-Laurent, de passage dans le Rhône en ce vendredi du vin, nous fait partager un coup de coeur : la cuvée Coeur de Rochevine, produite par la Cave de Saint-Désirat, issue d'une sélection rigoureuse de parcelles de Syrah sur l'AOC Saint-Joseph : 6 parcelles de 2,6 ha au total, situées entre 150 et 300 m d'altitude, 1 kg de raisin ramassé par cep, 7006 bouteilles, 12 mois de barriques neuves. Y' a plus qu'à servir ça sur une daube de boeuf !

Laurent, du blog Vins Confédérés, rejoint la mêlée des VdV, en nous parlant de vins issus de caves coopératives suisses, prouvant par la même occasion qu'à Cortaillod, les vins du Diable n'ont rien de sardonique !

D'esprit rugbystique, il en est question dans le billet de Vincent Pousson. Et cela ne manque pas d'esprit ni de souffle lyrique (esprit du vent, es-tu là ?) quand l'une des plus belles plumes de la toile (si, si, j'insiste) nous parle de "SA" cave. Qui mieux que lui pouvait nous parler d'Embres & Castelmaure ?... Et là encore, "1+1+1+1+1+... = 169 (habitants d'un bled perdu dont le vin est le sang) = (N°)3".

Entre une restauratrice et un vigneron, le vin peut également être coopératif : c'est ce que nous expose si bien Sylvie Cadio sur la page facebook... "ce n'est pas un travail à quatre mains, c'est un plaisir à deux coeurs"... Ou quand l'humain est remis à sa place. Au centre.

Les Fraternels

Attention, le vin peut (R)assembler, nous conte Olif..! (R)assembler, c'est un vin collectif, le projet un peu fou de Renaud Berthoud, du Mazet des Croses, une vente en souscription d'un genre nouveau : impliquer les participants à l'élaboration du vin qu'ils ont pré-acheté.

Laurent Baraou nous parle du caviste Bruno Besson et de son Vin de Ouf, ou les joies et mésaventures de la micro-vinification, à partir notamment de ceps de vignes offerts par des vignerons amis. Quand il aura fait le tour des "alter-vignerons", Laurent pourrait bien se lancer un jour dans la biographie officielle de sommelier-cavistes... ;-)

Autre caftage solidaire, Anne Graindorge, scout devant l'éternel, mais surtout conteuse hors pair, nous narre l'aventure de 3 mecs dans le vent et dans le vin jusqu'aux genoux voire jusqu'au cou, rassemblés sous la bannière du Domaine Alcofribas, un beau projet soutenu par de nombreux souscripteurs qui n'hésitent à s'armer du sécateur et à tirer les bois. Pour sûr que Rabelais aurait adoré ces vins !

Quand un groupe d'amis fondé grâce aux Vendredis du Vin parle de coopération, ça donne un billet fleuve de Patrick Böttcher (du caftage d'initiatives solidaires, en veux-tu, en voilà) ! Encore une dégustation d'anthologie, qui donne envie à chaque lecteur de venir lever du coude en compagnie de cette assemblée fraternelle ! Encore ravi que ce thème ait été le prétexte à pareil hédonisme ! Perso, j'ai encore les dents du fond qui baigne à lire sa prose...

Et quand Sandrine Goeyvaerts n'a pas d'idée, ça donne un billet tout aussi improbable que génial. Ou il est question de moufles, d'une contrée d'Inde lointaine nommée Kamshatka, et au final du Clos des Zouaves : 1000 pieds d'un improbable cépage, le régent (croisement entre diana et chambourcin), plantés à Thuin en Belgique. Un projet dingo né de la volonté d'un distillateur un peu fou de redonner vie aux jardins suspendus de la commune, en associant à l'ouvrage de nombreuses personnes ayant décrochées du monde du travail.

Merci à toutes et à tous pour ces jolis billets solidaires ! Une pensée pour notre Iris préférée, modeste et géniale secrétaire perpétuelle des Vendredis du Vin.

Et en février 2013, qu'on se le dise, vous en verrez de toutes les couleurs avec le thème de Sandrine, enfin de toutes les nuances d'ORANGE !