"Alors je vous invite à nous faire partager le vin du dernier festin. Quel serait l’ultime vin à retenir ? Avant un dernier souffle, quelle serait votre dernière gorgée ? Aurez-vous le vin gai ou le vin triste ? Serez-vous seul ou accompagné ? Et si cette fin vous effraie, passez donc à l’étape d’après et imaginez le vin de vos funérailles, qu’aimeriez-vous laisser dans votre cave pour arroser vos amis ?"

Ce mois-ci, Olivier Lebaron, alias le Showviniste, nous convie, nous les ouailles de la bloglouglousphère, à la dernière (S)cène. Quel sera notre dernier acte de pinardophile avant de rejoindre le Buveur Eternel ? Laissera-t-on quelques quilles afin que les convives trinquent à notre santé ou emportera-t-on jusqu'à la dernière goutte dans la tombe, après un raid commando assoiffé à la cave ?

Je l'avoue, derrière cette entrée en matière qui se veut légère, votre serviteur n'en mène pas large... Il est un peu désarçonné par le sujet, le garçon...

Forcément, ça renvoit à son propre rapport à la Mort, à sa croyance ou non en un Au-Delà (disposant d'une cave que l'on espère - si Dieu existe - encore plus fournie que celle du Sénat)...

Moi, ça m'a surtout renvoyé à LA question : serai-je seul ou pas autour de la dernière boutanche ?... Aurai-je déjà pleuré ma bien-aimée ?... Ma famille, mes amis seront-ils là ?...

Le lever de coude final sera-t-il un dernier plaisir solitaire, tel un boyscout au fond des bois (pardon, je craque... l'émotion sans doute...) ou un ultime moment de partage ?

Et maintenant, que boire ? Craquer son slip, boire quelques flacons mythiques hors de prix et laisser des dettes ? Ou simplement descendre à sa cave, et enlever la poussière de quelques merveilles oubliées, et les partager avec les proches ? (S'ils sont là... Sinon, d'la merde, je fais sauter les bouchons et j'me fais plais'... ils n'avaient qu'à pas mourir avant moi ou m'abandonner, ces cons !...)

Bref, à l'approche de ce dernier vendredi du mois, cela fait quelques jours que ces questions me turlupinent (me taraudent, si vous préférez... rien à voir avec le boyscout...).


Disons-le tout net, point de folie financière histoire de boire telle ou telle prestigieuse étiquette avant de casser ma pipe.

Mais des vins qui ont de la bouteille, avec des histoires dedans. Des vins d'auteurs.
Des vins de vignerons rencontrés et appréciés (leurs vins et eux).
Des vins déjà dégustés donc, remplis de souvenirs, de moments de convivialité, de partage avec des êtres aimés...

Des vins qui ont vécu, tel l'homme que je serai devenu...
Quoi de mieux avant de mourir que de succomber une dernière fois à l'excitation d'ouvrir un vieux flacon, que l'on avait planqué sous la pile, en espérant qu'un jour, ce serait une merveille !

Des vins pour se souvenir, une dernière fois.

Et pas tout seul, de préférence (clin d'oeil appuyé à ma femme... ma puce, ne déconne pas) !

Et en gros contenant pour que la fête soit plus folle ! Bref, un gueuleton d'anthologie avec les êtres chers. Une ripaille rabelaisienne et ligérienne où le p'tit blanc sans col, avant de redevenir à l'état de graviers alluvionaires, déboucheraient à la volée quelques vieux flacons de chenins et de cabernet franc, pour revenir aux sources, et pleins d'autres pépites ramenées de ces escapades bachiques...
 
On boira aussi un vieux Bordeaux en l'honneur de mon grand-père et de mon père, pour raviver mes souvenirs de table chez le papy.

Et j'en laisserai suffisamment pour que mes descendants se régalent d'une bonne vieille quille de temps à temps... en trinquant à la mémoire du père, du grand-père ou de l'arrière grand-père (je compte pas mourir jeune !).

Mon enterrement sera une véritable orgie.

Et comme la mort est bien faite, à peine arrivé au ciel, je trinquerai avec plein de gens géniaux en débarquant au paradis... Grosses retrouvailles avec parents et amis, tous attablés... Dieu, le Daron ultime, présidant, avec Jésus à sa gauche et le Saint-Esprit à sa droite.

S'en suivrait une discussion avec Jésus, déconneur devant l'éternel, élu meilleur sommelier de l'au-delà à plusieurs reprises :

- "Tenez, goûtez-moi ça... C'est mon sang... Nan, j'déconne !...
- Il ne vous reste pas un peu de Romanée Conti, plutôt ?
- Bien sûr, c'est le Paradis ici, c'est marqué à l'entrée ! On est allocataire depuis le début... Quel millésime ?
- Oh, bah si vous me prenez par les sentiments, j'attaquerais bien une verticale !
- Vous ne voulez pas commencer par les blancs, avant ?
- Et bah, un Montrachet alors ! Je vous fais confiance sur le millésime !"

Quelques verres plus tard :
- "Rôoo, Jéjé ! Dis, j'peux t'appeler Jéjé ?!... C'est d'la bombe, ta boutanche, là !
- Pas mal, hein ?! Et encore, je viens de la carafer, attends que ça s'ouvre...
- Tu sais, Jéjé, ça me fait penser à la phrase finale prononcé par Bogart dans Casablanca...  "Je crois que c'est le début d'une belle amitié...".
 
Fondu au noir
Rideau
RIP, le P'tit Blanc sans Col.
 

"Quand elle est comme ça, j'aime la vie
Quand elle a du ressort, quand elle a de l'appétit
Quand elle est comme ça, qu'elle a de l'envie
J'aime la vie... à mort."
Nicolas Jules