S'il est un vin blanc connu dans le monde entier, c'est bien celui-ci ! Et pour cause, le vignoble chablisien est celui qui souffre le plus de la contrefaçon avec la Champagne (à l'instar également de certains grands crus classés bordelais ou prestigieux domaines bourguignons).

Et ce n'est pas récent, comme l'atteste cette article de l'Express daté de septembre 2006, dans lequel on peut lire : "Le chablis souffre d'une mondialisation excessive : on en fait du faux partout, de la Californie à l'Ukraine. «Chaque jour, il se boit sous ce nom autant de vin qu'il s'en produit dans une récolte entière», a pu écrire le critique anglais Hugh Johns".

Mais l'intérêt majeur de ce papier était surtout de pointer les nombreuses dérives dont a souffert ce vignoble :

"Reste un problème plus difficile à résoudre : la production de faux chablis à Chablis. « Notre appellation est emblématique du mal viticole français : on ne défend pas notre marque collective, on en profite », se désole Hervé Tucki, responsable de la coopérative la Chablisienne, excellent connaisseur de l'appellation mais aussi bon philosophe : « Il y a en fait deux chablis : celui des hommes et celui des terroirs. Les terroirs sont grands mais les hommes sont normaux, donc faibles ». La faiblesse, c'est de « faire de l'étiquette ». Il y avait 1 000 hectares de vignes dans les années 1970;  on en compte plus de 4 000 aujourd'hui... En 1976, les «petits chablis» de Maligny se sont métamorphosés en « chablis ». Et dans les premiers crus des parcelles médiocres ont été regroupées avec des climats célèbres. On a planté là où étaient les vaches: les rendements ont gonflé, alimentant la ronde des semi-remorques qui partent vers l'Allemagne ou l'Angleterre, où près de la moitié des chablis sont commercialisés sous des marques locales. A les goûter, on comprend pourquoi les consommateurs étrangers commencent à préférer les blancs d'Australie ou d'Afrique du Sud". 

La situation a-t-elle véritablement changé depuis ? On peut légitimement en douter... A côté de certains jus admirables, on trouve toujours des vins d'une crasse médiocrité, dont les prix élevés ne sont justifiés que par le prestige de l'appellation. J'ose le dire : dans d'autres AOC moins "glamours", certains vins seraient vendus moitié moins cher. Et ce serait parfaitement normal !

(NB : tiens, c'est bizarre, d'un seul coup, ça me fait aussi penser au cas de la Champagne. Mais ce n'est pas le sujet, ne nous égarons pas... ;-)

Et de rebondir sur les propos de M. Tucki : « Il y a en fait deux chablis : celui des hommes et celui des terroirs. Les terroirs sont grands mais les hommes sont normaux, donc faibles ».

Oui et non.

Pour tirer la quintessence de supposés "grands" terroirs, encore faut-il le talent des hommes respectueux de cette terre ! Et a contrario, un constat s'impose souvent à nos papilles : des vignerons audacieux parviennent à produire des vins sublimes, à partir de terroirs pourtant moins "cotés" a priori... ou de cépages jugés moins "nobles". A ce sujet, mon crédo est clair : il n'y a pas de "petits" cépages, il n'y a que des mauvais vignerons !

(NB : attention, ne me faîtes pas dire ce que je n'ai pas écrit, on est bien d'accord que l'on ne fera jamais un grand vin sur une terre à betterave...)

(NB 2 : notez que je n'ai rien contre la betterave. La preuve : j'ai épousé une picarde du Santerre...)

Et ce fût encore le cas lors de cette très belle dégustation du Club AOC, puisque les vins qui nous ont le plus émus et transportés ne furent point les plus onéreux, ni nés sur les terroirs les plus prestigieux, mais deux "simples" Chablis et un Chablis 1er cru sur un vieux millésime, produits par 3 vignerons qui comptent pour moi parmi les meilleurs du vignoble chablisien !

A commencer par ce Chablis "Vent d'Ange" 2013, tout frais sorti du jeune Domaine Pattes Loup de Thomas Pico.
 

Pur produit de la commune de Courgis, ce fils et petit-fils de vigneron a d'abord été se former dans d'autres vignobles avant de revenir au domaine familial de Bois d'Yver en 2004. L'année suivante, il reprend 8 hectares et débute la conversion bio du vignoble. C'est à cette époque qu'il plante des vignes sur le lieu-dit "Pattes Loup". En 2006, les premières cuvées sont produites. Et en 2008, il commence à acheter des raisons (en cours de conversion bio également) auprès du domaine de son père sur les premiers crus "Côte de Jouan" et "Beauregard".

Certifié en bio depuis 2009, ses vins connaissent depuis un grand succès tant auprès des amateurs de vins naturels que des critiques, qui voient en lui l'un des vignerons les plus talentueux de la nouvelle génération.
 

Expressif dès l'ouverture, ce millésime 2013 est charmeur. D'une robe jaune d'or aux reflets gris, le vin exhale des arômes de fruits à chair blanche, sur une trame minérale d'une grande pureté. En bouche, le vin est parfaitement équilibré, avec une belle tension et une finale salivante. Bref, ce que l'on est en droit d'attendre d'une bonne bouteille d'un chablis "racé", à déguster sur sa jeunesse, qui ravira les amateurs de sushi et autres crustacés !
 

Gros coup de coeur de la soirée
, cette cuvée "Orangerie" est produite par le Château de Béru, domaine familial depuis 400 ans, aujourd'hui dirigé par Athénaïs de Béru. Son père, le Comte de Béru, décédé en 2006, a replanté dans les années 80 l'intégralité de ce vignoble, qui avait été décimé à la fin du XIXème avec la crise du phylloxera. Il est depuis travaillé en agriculture biologique et biodynamique.
 

Symbole même du domaine, le Clos Béru est un terroir unique d'une superficie de 5 hectares, entouré de murs érigés au XIIIème siècle.

L'Orangerie est une autre sélection parcellaire, issu d'un terroir situé aux abords de la vallée de Béru, à 300 m d'altitude, qui présente une combinaison particulière d'argiles (en forte proportion) et de calcaires. Les vignes âgées donc de 30 ans, plantées à 6500 pieds/ha sont taillées en guyot double. Vinifié naturellement, le vin est élevé pendant 18 mois dans des fûts de 2 à 4 vins ou plus.

Et c'est là que réside toute la beauté des vrais vins de terroirs, lorsque l'on compare ce vins au précédent, en se rendant compte à quel point ces deux Chablis sont différents ! Cette cuvée Orangerie présente justement des arômes d'orange sanguine, de caramel beurre salé, avec des notes miellées qui subliment la fin de bouche. En termes d'accord mets & vins, rien à voir non plus tant je vous la conseille sur des plats épicés ou sucrés/salés (canard à l'orange !). Le vin est déjà sublime mais nul doute qu'il se bonifiera pendant de nombreuses années.

Le domaine produit également un Chablis générique et un Chablis 1er cru "Vaucoupin". Parallèlement, Athénaïs a créé sa société de négoce afin de proposer des vins des différentes appellations de l'Yonne.

Pour vos séjours dans la région, sachez que le château propose des visites guidées. Vous pouvez également y séjourner en chambre d'hôtes.
   
 
Enfin, avec cette cuvée "Les Lys" 2001 du Domaine du Vieux Château de Daniel-Etienne Defaix, on pénètre encore dans une autre dimension !
 
Ce domaine familial est l'un des plus anciens puisqu'il existe depuis 800 ans ! Chez les Defaix, on est vigneron de père en fils depuis 400 ans. Aujourd'hui, Daniel-Etienne cultive 28 hectares de vignes sur les plus anciens terroirs du chablisien, mis en valeur au Moyen-Âge par les Moines de l'Abbaye de Pontigny, principalement des coteaux bien pentus exposés au sud-est.

Daniel-Etienne Defaix produit ainsi dans le plus pur respect de la tradition familiale :
  • Deux cuvées Chablis : Vieilles et Très Vieilles Vignes
  • Trois Chablis Premier Cru : Les Lys, Vaillons et Côte de Léchet
  • Deux Chablis Grand Cru : Blanchot et Grenouilles
  • Un Bourgogne Rouge

Crédit photo : Idéemiam

La parcelle "Les Lys" est un lieu-dit du célèbre climat "Vaillons", considéré comme l'un des meilleurs premiers crus de la rive gauche du Serein, situé en face de Chablis, perpendiculairement aux 7 Grands Crus. S'agissant de l'origine de son nom, deux thèses s'opposent comme le rapporte Patrick Essa sur son blog :

"Le nom « Les Lys » n’apparait pas avant 1816, où il est mentionné pour la première fois. On signalait alors en ce lieu un îlot de vignes, dîtes de «Champlain ». Toutefois on retrouve sur deux plans, datés de 1770 et 1789, la parcelle de « Séché » qui aboutit par le haut au «chemin des lis». A partir de 1816, quelques propriétaires, bientôt imités par d’autres, ont surnommé leurs vignes de « Champlain » du nom du chemin voisin. Le nom « Lis » existait, mais selon certaines sources n'aurait rien à voir avec la fleur, ni la couronne royale. Pour d'autres en revanche il s'agit d'un ancien secteur historiquement appelé "Clos des Roys" et qui était selon la légende propriété de ceux-ci. Sur le cadastre de 1829, la partie superieure du lieu-dit « Champlain » fut baptisée « Les Lys » par un arpenteur. C’est donc entre 1816 et 1829 que « Les Lys » s'affirment pleinement. Son nom proviendrait alors du mot « lisière », dérivé de « lis », du latin LICIUM « bordure, lisière, frontière » ou de ce Clos royal fameux qui est aujourd'hui oublié de tous".


J'aime beaucoup les vins de ce grand monsieur (dans tous les sens du terme), admirablement taillés pour la garde :

Après une récolte à bonne maturité, les raisins sont pressurés lentement pendant 3 heures, en séparant les cuvées (Daniel-Etienne ne conserve que les têtes de cuvées). S'en suivent 18 heures de débourbage puis 3 semaines de fermentation alcoolique (levures indigènes) à basse température (18°). La fermentation malolactique est recherchée systématiquement et les vins sont bâtonnés régulièrement pendant 18 mois. La filtration et le collage ne sont pas effectués systématiquement, avant une mise en bouteille effectuées sous azote. Les vins sont ensuites conservés de 6 à 12 mois au chai avant d'être commercialisé (au bout de 2 ans pour les Chablis et au bout de 5 à 8 ans pour les premiers crus et grands crus).
 
J'avais un grand souvenir en mémoire d'un Chablis 1er cru "Vaillons" 2000... Je n'ai pas été déçu par cette cuvée "Les Lys" 2001, bien au contraire ! Avec ce "vieux" millésime, on change totalement de registre par rapport aux vins précédents : après l'orangerie, on débarque dans les bois... Notes tertiaires de champignons nobles, noisette et beurre... A nouveau, l'équilibre du vin est magnifique, relevé par une acidité qui vient redonner du peps. La finale est longue et appétante... Mon empire pour des bouchées à la reine !...

Pour poursuivre votre lecture, je vous invite à découvrir une interview de Daniel-Etienne Defaix sur le site Idéemiam.
 
Pour vos idées de séjour touristique, sachez également que sa fille Anne-Claire (qui a décroché le titre de "maître-restaurateur" à tout juste 20 ans !). vous accueillera à l'Hôtel et Restaurant Gastronomique familial "Aux Lys d'Or".

Où trouver ces vins sur la métropole lilloise :
Domaine Pattes-Loup : Monsieur Vin (18,95 €)
Château de Béru : Les Vins d'Aurélien (24,80 €)
Domaine du Vieux-Château : Monsieur Vin (26 €)

Breaking news !
Thomas Pico et Athénaïs de Béru seront présents au Salon Vins Nature en Nord les 7 et 8 mars prochain !

 

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