Le mondovino serait-il "réduit" ?

A force d'évoluer en vase clos, ne "manquerait-il pas d'air" ?
 

Tantôt, on suffoque. Coincé entre Môssieur Ne-me-parlez-pas-de-cru-bourgeois-je-ne-bois-que-du-classé, l'intégriste naturiste qui-ne-jure-que-par-le-vin-sans-souffre-tout-le-reste-c'est-de-la-merde-standardisée et l'hygiéniste fanatique tendance-prohibitionniste-mais-c'est-pour-mieux-vous-protéger-du-cancer.

Tantôt, les vaines tentatives d'ouverture ne font qu'exacerber les acidités de tous bords. Volatile n'étant pas toujours synonyme d'éphémère...

Ah, et puis, ces amateurs soi-disant éclairés... Qui aiment tant croiser le fer sur les forums et autres réseaux sociaux, et qui naviguent de club de dégustation en club de dégustation, non pas pour prendre du plaisir en découvrant de nouveaux vins (Non, Monsieur ! Non, Madame !), il s'agit ici de trouver une seule chose : l'éventuel défaut ! Et bam, voilà dégommées d'un revers de la main les centaines d'heures de travail d'un vigneron...

Notez, quand ils sont buveurs d'étiquette (ndlr : à mettre dans le même sac Monsieur Je-ne-bois-que-du-classé et l'intégriste naturiste), c'est souvent tout l'inverse. Quelle que soit la référence, quand c'en est une, c'est marrant comme on excuse toute forme de médiocrité !... Pas dans un bon jour (racine ou pas), la bouteille a dû avoir un problème, c'est trop jeune, pas assez ou trop carafé, ça doit être génial mais on n'a pas les codes... Quand on s'attaque au mythe, c'est bizarre, on reconnaît rarement que c'est raté, voire un foutage de gueule ultime.

Professionels parfois condescendants, vignerons "divas" qui consentent à vous lâcher 3 quilles (quand ça leur dit mais pas forcément celles que vous avez commandé sinon c'est pas drôle), critiques autoproclamés, clients qui savent tout...

C'est quand même marrant, tous ces gens qui ont déjà tout goûté et qui ont un avis sur tout. Je les envierai presque. D'avoir tout goûté. Ou plutôt non, je ne les envie pas du tout. Qu'ils doivent s'ennuyer, les pauvres !...

De l'air !... De l'air !... ça sent le renfermé !  ça sent l'écurie ! Carafez-moi tout ça !...

Moi qui vient du secteur culturel et artistique, je me dis souvent que ces deux mondes se ressemblent fort. Dans ce qu'ils ont de meilleur et de plus médiocre (les effets de mode, les postures, les égos parfois "légèrement" surdimensionnés, la langue de pute entre confrères, les guerres de chapelle, l'intellectualisation à outrance...).

Ah, la Création !...

Heureusement, il existe l'AOC. Oui, l'AOC. Non, pas l'Appellation Origine Contrôlée (autre sujet, autre débat). Mais l'Association Oenologie et Culture.

Tout est dans le titre de ce club d'oenologie bon enfant, qui me fait le plaisir et l'amitié de m'inviter régulièrement pour animer tout type de dégustation thématique.

Curiosité, ouverture d'esprit, soif de découvrir, écoute, convivialité, chaque séance est pour moi un véritable bonheur.

Une vraie bouffée d'air !

Dernière soirée en date, sur le thème "dégustation à l'aveugle" (chacun rapportait une bouteille, j'ai pu jouer comme tout le monde... et me tromper autant que les autres, c'est bon pour l'humilité !).

V'là t'y pas qu'on me sert un vin blanc, d'un jaune d'or éclatant ! Un vieux moelleux, sans doute, me dis-je ! Le nez est splendide : des notes miellées, de verveine, de fruits exotiques, fleurs blanches, citronelle... mais aussi des arômes de fruits secs, des notes oxydatives ! WTF ?!... Mais où-est-donc-or-ni-car ?!...

En bouche, point de sucre, le vin est complètement sec ! C'est très complexe, gras, opulent, doté d'un très bel équilibre et d'une finale longue et superbe...

On n'est pas dans le Jura, ce n'est pas non plus du chenin... ça sent le sud et ça doit pas être tout jeune...

Bingo !

Château Haut-Gléon Blanc 1996 (AOC Corbières, assemblage roussane, grenache blanc, clairette et marsanne) !

Ayant rarement eu l'occasion de boire des vieux millésimes languedociens, je me suis vraiment régalé. Indéniablement l'une des plus jolies quilles de la soirée !

Un vin bluffant, d'une incroyable jeunesse, tout en étant paré de subtiles arômes oxydatifs liés à l'évolution.

C'est si bon de se laisser suprendre... ça peut même apporter du plaisir (#fuckleshygiénistes) !

Bref, free your mind and your (gl)ass will follow.
 

 

Billet écrit dans le cadre des Vendredis du Vin #60, présidé par Guillaume Deschamps du blog Découverte Vins : retrouvez ici le compte-rendu.